Confiance dans nos projets

Qui a déjà participé à un projet sait qu’il y a parfois des passages à vide : Par exemple, plus personne n’y croit, mon client cherche à me contourner, les équipes sont démotivées, on n’a plus rien en main, …

« L’épreuve de la confiance » est détaillée dans mon « Guide de survie du chef de projet », chez Dunod

Cela renvoie à la question clef de la confiance, et cette confiance varie nécessairement au cours de la durée de vie. Lorsqu’on s’engage dans un projet, que le management prend la décision d’y aller ou que le client signe, la confiance est au plus haut, les intérêts sont alignés et la réussite probable. Si ce n’était pas le cas, il vaudrait mieux ne pas s’engager. Et même dans les méthodologies de type « stage gate », lorsqu’on lance simultanément plusieurs projets de manière à n’en laisser aboutir qu’un seul, au départ, chacun a sa chance.

Par la suite, et parallèlement du cycle en V, on subit deux trous de confiance, de nature différente, le W de la suspicion.

Un soupçon d’incompétence…

Dans la descente du cycle en V, l’équipe projet doit concevoir et développer une solution, difficile compromis entre performances, coûts et délais. Si tout est atteignable sereinement, c’est qu’on n’a pas visé assez haut ! Il est donc normal d’avoir des difficultés, Mais comment distinguer ce qui est acceptable de ce qui compromet le projet ? Le client peut avoir le sentiment que le projet dérape, et se doit alors de réagir fortement et rapidement : l’équipe projet et son chef sont-ils compétents ?

Face à cette mise en cause, le chef de projet peut invoquer l’héritage, et demander le bénéfice du doute, car ce n’est en général pas lui qui a préparé l’offre. Il a aussi du temps devant lui pour réagir, trouver des solutions de remplacement, car c’est au début que l’on a le plus de latitude d’action. 

On ne peut cependant pas dire que c’est confortable, et il peut lui sembler que son client ne sait pas ce qu’il veut, qu’il remet en cause sa mission, qu’il cherche même à l’enfoncer plutôt que l’aider…

Une fois cette crise dépassée, arrive le moment des engagements liés à la réalisation, qui représentent l’essentiel de la dépense. Pour signer, il faut un regain de confiance, un nouveau point haut.

… puis une longue dépression

Dans la seconde partie où l’on remonte le cycle en V, la solution est petit à petit intégrée, vérifiée, validée, jusqu’à l’acceptation finale. Mais là encore, des surprises se présentent. Un sous-traitant qui disparaît, une réalisation défectueuse, des échecs techniques, etc.

S’il restait des marges, elles sont progressivement consommées au fur et à mesure que les plannings avancent et que les chemins critiques se multiplient. 

Pour le chef de projet, la plupart des actions importantes et coûteuses ont été déléguées à des prestataires, qui eux-mêmes dépendent d’un réseau de sous-traitants. Il ne lui reste que peu de leviers. Son rôle se concentre sur la coordination, le suivi d’avancement et la réorganisation du reste à faire. Il peut se sentir inutile, voire oisif, et aura tendance à combler ce stress par une implication dans des actions secondaires (distractions ou déviations selon la matrice d’Eisenhower).

Qu’un incident se produise, qu’une information soit mal transmise et le client peut perdre confiance en se demandant : « Tiendra-t-on ce qu’on m’a promis ? » « Me dit-on tout ? » « Cette équipe va-t-elle réussir ou vaut-il mieux en changer ? » D’autant que les qualités de finisherne sont pas les mêmes que celles de développeur et cette tentation de changer en cours de route peut diffuser y compris dans la hiérarchie du chef de projet. Contrairement à la première partie, ce dernier est directement responsable de la situation et des choix effectués, … et il est trop tard pour en changer.

La plupart du temps cependant, on arrive à un point où un produit/service acceptable est en définitive livré, et il faut bien faire avec. Tout le monde a alors intérêt à revenir à un niveau de confiance permettant a minimad’utiliser le résultat du projet et de poursuivre la collaboration.

Comment survivre à ce W de la suspicion ?

Une perte de confiance venant de l’extérieur nous affecte d’autant plus que nous sommes engagés dans le projet. Nous pouvons nous sentir attaqués, personnellement, nous sentir incompétents ou impuissants, mis en cause sans pouvoir répondre, et cela touche à la fois notre personne et nos capacités.

Pourtant, plutôt qu’un désengagement ou une dépression, une vraie celle-là, il existe une gamme de moyens permettant de se consolider aussi bien sur le plan extérieur que pour l’intérieur.

Pour l’extérieur :

– séparer la satisfaction de signer un nouveau projet de l’analyse de risque.

– construire des relations de confiance est plus aisé lorsque cela va bien que lorsque cela va mal. Il s’agit de montrer que même si notre alignement d’intérêts n’est pas total, nous pouvons travailler avec loyauté et engagement : dire quand cela va bien, dire rapidement et sans fard lorsque cela va mal, exposer les pistes poursuivies dès que c’est possible.

– s’appuyer sur le processus de conduite de projet, et sa robustesse

– rencontrer régulièrement les principaux interlocuteurs, prévoir des moments de convivialité, s’intéresser à eux, comprendre leurs propres enjeux.

Pour l’intérieur, une perte de confiance renvoie à son propre passé, à ses fragilités. Pour se renforcer :

 – prendre conscience que les pertes de confiance sont normales, et de nature différente selon l’avancement du projet.

– s’appuyer sur sa nomination, qui témoigne de qualités reconnues pour mener ce projet à bien.

– vérifier que les objectifs sont à la fois ambitieux et atteignables, sinon, en rendre compte.

– prendre soin de sa santé, garder du temps pour soi.

– se faire aider ou accompagner, par une équipe proche, un mentor, un coach, faire du co-développement, etc.

Je souhaite à chacun de pouvoir franchir cette épreuve existentielle qui est aussi un appel à grandir et à se réaliser.