Choix et métaphores
« Les jeux sont faits, le résultat est certain. » « Pourquoi essayer, c’est perdu d’avance. » entend-on souvent. En lisant l’histoire des inventeurs, créateurs et autres grandes figures, on voit souvent au contraire que c’est par une obstination acharnée qu’ils ont dépassé les certitudes. D’abord dans leur pensée, remettant en cause les faits acquis, puis dans leur action, emportant les résistances une à une, et enfin dans leur chemin de vie.
D’où vient l’ambition des grands créateurs. Parfois, elle se nourrit d’une perte ou une blessure non guérie, d’un projet parental, d’une revanche… On peut en guérir, comme lorsque Hergé, créateur de Tintin déclare après Les bijoux de la Castafiore : « désormais, je me sens libéré de la tension intérieure qui m’enchaînait à ma table de travail, » et s’émerveille du « plaisir de la vie. » Mais peut-être se sont-ils construit des métaphores de vie qui correspondent à qui ils sont vraiment et non pas des incantations optimistes ou pessimistes.
Si nous reprenons les deux phrases du début, ce sont des affirmations doublées de fausses équivalences qui mériteraient d’être analysées.
Pour la première, « les jeux sont faits » : quels jeux, qui est le joueur, comment le sais-tu, comment sais-tu que tu le sais, et s’ils n’étaient pas faits, que se passerait-il ? « Le résultat est certain » : est-ce une conséquence inéluctable, connais-tu des contre-exemples, qui le dit?
Et pour la seconde, « Pourquoi essayer « : oui, pour quoi ? Et si tu disais « pourquoi réussir », ou « pourquoi échouer » cela reste-t-il vrai ?, « C’est perdu d’avance »: est-ce la seule cause, perdu par qui, qu’est-ce qui est perdu, comment le sait-on à l’avance ?
N’y a-t-il pas des phrases à qui nous donnons du crédit, et qui sont pour nous des métaphores nuisibles ?
Réciproquement, si nous devions répondre instantanément à la question : Pour moi la vie c’est…, ou l’univers, c’est…, quelle métaphore surgit ? Un champ de ruines ou un grand cirque ? Là encore, ces phrases nous influencent dans notre agir.
Pour moi, j’en garde précieusement une : « nous sommes appelés à devenir ce que nous sommes ! »