Et si on passait à l’effectuation ?

Analysez moins, agissez !

Derrière ce néologisme pompeux, « effectuation », n’y aurait-il pas un chemin permettant à nos organisations d’intégrer une logique d’innovation ?

La question est permise, suite aux travaux d’une chercheuse américaine, Saras Sarasvathy qui a observé dans les années 2000 le comportement d’entrepreneurs-innovateurs ayant réussi. On imagine aisément que pour cela, il faut une bonne idée, un business plan robuste prenant en compte les risques, une idée précise de ce qu’on vise, la mise en place de ressources adaptées et un pilotage serré…

En fait, pas du tout ! Ses résultats sont strictement opposés sur chacun de ces points et font voler en éclat les mythes de l’innovation : non, l’entrepreneur n’aime pas le risque, il n’est pas plus visionnaire qu’un autre, encore moins prévisionniste, et ce n’est ni un superman ni un homme seul.

Le processus décrit plus haut témoigne d’une démarche causale, chère à nos ingénieurs et responsables de projets : viser un objectif et construire le rétro-planning permettant de l’atteindre – tout en étant contraint à un certain nombre d’impasses par manque de moyens. Or, c’est tout l’inverse que font les entrepreneurs à succès. Ils appliquent une logique « effectuale », celle des effets visés à partir de là où ils se trouvent. Cette logique se décline en cinq grands principes :

1/ un « tiens » vaut mieux que deux « tu l’auras » : comme dans une recette de cuisine, on ne passe pas de temps à rêver aux ingrédients qui manquent, mais on commence par se servir de ce qu’on a. Un innovateur pourra s’appuyer sur sa personnalité, ses compétences et son réseau.

2/ Raisonner en perte acceptable : bien sûr, le gain hypothétique fait rêver, mais pour l’instant que puis-je miser sur une idée, que ce soit de mon temps, de mon argent ou de mon énergie ?

3/ Patchwork fou : le projet ne peut se construire qu’avec la contribution de personnes intéressées et d’usagers qui vont le co-construire et l’orienter. Combien de fois voit-on un produit « parfait » mais qui n’intéresse personne.

4/ Tirer parti des surprises : il y en aura toujours en route, bonnes ou mauvaises. Le talent de l’entrepreneur sera de les utiliser au mieux, avec flexibilité. Telle startup passe ainsi d’un modèle B2C à un modèle B2B, ou d’une application à un appareil dédié…

5/ Le pilote dans l’avion : l’inversion est complète, entre « je prévois l’avenir, donc je le contrôle » et « je contrôle la situation, donc je n’ai pas besoin de connaître l’avenir ».

Cette démarche effectuale peut sembler enthousiasmante… et irréaliste lorsqu’on a baigné depuis longtemps dans les projets.

En réalité, elle est d’abord pragmatique et concrète, encourage l’action, et trouve depuis quelques années sa place dans les groupes ou organisations. On le voit, par exemple, à travers l’essor de l’intrapreneuriat, qui suscite par rebond des bouillonnements d’idées, du « co-working », et de la création de valeur.

Pour en savoir plus : un MOOC éclairant sur le sujet.

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