Dès qu’on veut traiter d’un sujet important, parler est nécessaire. Beaucoup préfèrent prendre leurs décisions seuls, mûrir leurs avis dans leur tête, éventuellement à l’aide d’un papier et d’un crayon, ou plus généralement aujourd’hui d’un fichier excel. Cela a le mérite d’objectiver les arguments, de permettre de les peser à l’aune de différents critères.
On sait bien cependant que l’objectivité n’existe pas et particulièrement lorsque l’on parle de décisions importantes pour soi. Négocions-nous un avantage de la même manière si c’est pour nous ou pour un autre ?
Les méthodes pour contourner cette limitation ne manquent pas : discernement ignacien centré sur les ressentis et émotions qui nous viennent à l’examen de chaque option, discernement par la fatigue pour ceux qui ont pratiqué l’analyse comparative deux à deux, car quand on est fatigué, on ne fait plus semblant. Ceux qui ont pratiqué la méthode d’orientation professionnelle du « trèfle porte bonheur » s’en souviennent ! On peut aussi jeter un dé, et en considérant le résultat du jet, se demander si c’est vraiment cela que l’on veut… et si cela ne convient pas, prendre l’autre solution.
Cependant, la méthode qui me semble à la fois la plus simple et la plus nécessaire, c’est de parler. Trouver un interlocuteur de confiance avec qui il sera possible d’exposer cette situation qui vous tracasse : ce peut être un cas de conscience, une question personnelle, ou plus intéressant encore, une situation qui vous semble insoluble. Le partenaire n’a pas besoin de savoir ou de parler, il suffit qu’il vous écoute sans vous juger.
Avant de parler en effet, on ne sait pas ce qu’on va dire précisément, et que lorsque les mots sortent, il se crée une nouvelle réalité, parfois surprenante. On l’observe dans les lapsus, qui révèlent à l’aide d’une incongruité une vérité cachée.
Raconter une situation mettra en évidence des motifs occultes, indétectables dans une analyse rationnelle, et souvent confirmés corporellement. On peut comparer cela à un « carottage quantique » dans notre cerveau, qui traverse toutes les couches mentales et en sort des mots. De manière analogue, tant que la boîte est fermée, le chat de Schrödinger est à la fois vivant et mort. Parler, c’est ouvrir la boîte et modifier ainsi l’état du système !
On pourrait aussi détailler les bienfaits pour les autres de cette parole profonde et qui nous représente dans notre entièreté, du lien que cela crée, de la confiance que cela construit et enfin des actions que cela suscite de part et d’autre.
D’ailleurs, ne sommes nous pas dans une civilisation du verbe, du logos (parole agissante). Comme le dit Pierre Falardeau, cinéaste québécois, « l’important, ce n’est pas de bien ou mal parler, mais de parler ! »
Alors, ne vous contentez pas de penser, parlez !