« Le problème avec les jeunes d’aujourd’hui, c’est qu’ils veulent faire un métier qui a du sens. » déplorent les DRH. Ils s’investissent dans des projets ou des startups improbables, se moquent des plans de carrière, et l’argent n’est pas leur moteur.
La question du sens ne date pas d’aujourd’hui. A chaque époque, on s’est posé et on se pose cette question bien formulée par Gauguin : « D’ou venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? »
Je voudrais ici insister sur le sens du sens. Faire un métier qui a du sens, y trouver du sens, c’est en quelque sorte recevoir. C’est comprendre les événements qui nous touchent, ce qu’ils nous montrent. Pour qui y est attentif, les coïncidences ne manquent pas dans notre vie, ce qu’on appelle « synchronicité ». A travers telle rencontre, tel message improbable, tel événement de vie, qu’est-ce que l’univers veut me dire ? « Engage toi. » « Vas-y, c’est bon pour toi. » « Arrête ! » Cependant, malgré tous nos efforts, il arrive qu’on n’y parvienne pas, que rien de lisible ne se dégage. C’est à la fois très déprimant, et peut sembler injuste vis-à-vis de ceux qui semblent y réussir. Mais à y réfléchir, peut-on tout comprendre, et peut-on savoir ce qui se passe dans la tête des autres pour qui tout semble si facile ? Les belles façades cachent parfois de noirs nuages. L’avoir, la réussite, ne comblent pas l’être, ils font semblant. Le temps passant, chacun peut connaître ces périodes de vide ou de tourmente. Elles ne sont pas mauvaises en soi et précèdent souvent une étape de croissance personnelle, une phase d’individuation au sens junguien. Les maîtres spirituels ont amplement commenté ces phases de « désolation ».
Alors, on entre dans la seconde direction du sens, celle de donner. Donner volontairement une signification à ce qui nous arrive, rendre signifiant ce qui pourrait sembler absurde, et même « offrir » ce qu’on ne comprend pas comme relevant d’un sens supérieur, et qui nous échappe pour le moment. Un jeune ingénieur racontait une traversée difficile de l’Atlantique à la voile : 12 jours de piaule. Froid, faim, mouillé, secoué, mal de mer. Au bout d’un moment disait-il, « soit on subit, soit on prend en compte ce qui reste de ses capacités pour faire son quart, faire confiance, faire de son mieux ». Dans un premier temps, consentir à ce qui nous arrive et reconnaître nos limites nous re-connecte avec la réalité. Eh oui, nous ne sommes pas tout puissants ! Pour autant, il nous reste toujours une part de liberté, des capacités, et une possibilité d’action, aussi infimes soient-elles. Puis, dans un second temps, agir à notre niveau… L’exercice de cette liberté nous fait sortir de la position de victime et remplit de vie ce qui nous entoure.
Pour nous donc, comment traversons-nous les tempêtes de l’existence ? Et comment parvenons-nous à donner du sens à nos activités ? Bien souvent, nous sommes hypermétropes sur ces questions de sens : nous voyons bien de loin mais pas de près. L’une des meilleures manières de progresser consiste à en parler à une personne de confiance pour s’entendre dire ce qu’on ne parvenait pas à formuler, voir dans le tableau qu’elle nous reflète ce qui nous touche de si près.